1870-2020 - 150ème anniversaire d'une guerre oubliée.
Napoléon III
Charles, Louis Napoléon Bonaparte né à Paris en 1808, mort à Chislehurst dans le Kent en 1873. Empereur des Français de 1852 à 1870, neveu de Napoléon 1er, il imposa en France un régime autoritaire, puis libéral, et favorisa le développement industriel.
Il défendit le principe des nationalités. Après quelques succès, l'échec de la guerre contre la Prusse aboutit à sa chute.
Troisième fils de Louis Bonaparte, roi de Hollande et frère de Napoléon 1er et de Hortense de Beauharnais, il fut élevé en Suisse après la fin du 1er Empire.
Après des études à l'école militaire de Thoune, il devint officier d'artillerie. Il participa à l'insurrection des libéraux italiens en Romagne, échappant à la répression autrichienne. Il se considère comme le chef de la dynastie et des bonapartistes après la mort du duc de Reichstadt et tente sans succès de renverser le régime de la monarchie à Stasbourg en 1836 et boulogne en 1840. Emprisonné en 1840 au fort de Ham où il écrit « l'extinction du paupérisme », il s 'évade en 1846, revêtu des habits du peintre Badinguet.
De retour en France après la révolution de février 1848, il devint membre de l'Assemblée constituante en avril 1848 qui vota la deuxième république.
Il fut élu Président de la République le 10 décembre 1848.
Avec l'appui de l'armée, il décida le coup d'Etat du 2 décembre 1851, puis restaura l'Empire proclamé le 2 décembre 1852.
Napoléon III appelé le petit Napoléon par Victor Hugo, épouse la Comtesse espagnole Eugénie de Montijo en 1853.
Il exerce jusqu'en 1860 un pouvoir autoritaire muselant l'opposition et la presse. Il assure dans le même temps l'essor économique de la France et la renforce sur le plan extérieur en réaffirmant en Europe la politique napoléonienne des nationalités.
Il engagea la guerre de Crimée en 1854-1856 et aida l'Italie à se libérer de la domination autrichienne en 1859, gagnant Nice et la Savoie.
Il renforça l'Empire colonial en s'assurant le contrôle de la Cochinchine et du Cambodge, et en achevant la conquête de l'Algérie.
Affaibli par l'échec de l'expédition du Mexique (1862-1867) et l'hostilité des catholiques inquiets des menaces que faisait peser l'unification italienne sur les Etats pontificaux, Napoléon ru décida la libéralisation du régime à partir de 1860, (droit de grève, droit d'interpellation et d'initiative pour les députés, libéralisation de la presse et liberté de réunion).
La popularité de l'Empire libéral fut anéantie par la décision de Napoléon III de déclarer la guerre à la Prusse de Guillaume Ier et de Bismarck, (guerre 1870-1871). Emprisonné après la défaite de Sedan, le premier septembre 1870 et déchu de son titre. Après sa captivité en Allemagne, il rejoignit l'Impératrice en Angleterre en mars 1871.
M. TOURON
La Commune de Paris
Nom donné au gouvernement insurrectionnel parisien qui contrôla la capitale du 18 mars au 27 mai 1871. Ce soulèvement spontané est né pour l'essentiel de la misère et de l'humiliation de la défaite contre la Prusse dans la guerre Franco-Allemande.
La Commune de Paris fut aussi la première tentative d'application des théories du mouvement socialiste et anarchiste. Son échec et sa répression brutale permirent à terme le ralliement d'une partie hésitante de l'opinion publique à une république conservatrice qui avait montré sa capacité à imposer l'ordre.
Hostile à l'armistice du 28 janvier 1871, après le siège subi par la capitale depuis septembre 1870, et signé par le gouvernement provisoire, l'insurrection éclata après la décision de Adolphe Thiers, chef du pouvoir exécutif, de retirer les canons de Belleville et Montmartre, et d'occuper Paris militairement. Cette décision faisait suite à des mesures comme l'abaissement de la solde des gardes nationaux ainsi que la fin du moratoire sur les loyers suspendus pendant le siège.
Le comité central instauré par la garde national en mars 1871, décida l'élection du conseil général de la Commune et en firent partie, les ouvriers et les représentants de la petite et moyenne bourgeoisie. Ils souhaitaient établir une république sociale avec l'adoption du drapeau rouge et le rétablissement du calendrier révolutionnaire ainsi que le maximum des salaires, la séparation de l'Eglise et de l'Etat, avec un enseignement laïque gratuit et obligatoire, et encouragèrent la formation de coopératives ouvrières.
La Commune souffrit de nombreuses divisions, car aucune réforme de structure comme la nationalisation des grandes entreprises ou de la Banque de France.
Adolphe Thiers confia au maréchal de Mac-Mahon la direction de l'armée des Versaillais pour mettre fin à la révolte parisienne. Le maréchal entra dans Paris le 21 mai 1871, les communards exécutèrent une centaine d'otages et incendièrent de nombreux édifices publics, (Hôtel de Ville, Tuileries, Cour des comptes). La reconquête militaire fut un vrai carnage, (semaine sanglante du 22 au 28 mai 1871) et les communards furent écrasés au mur des Fédérés.
On estime 25000 victimes plus des milliers de fédérés emprisonnés ou déportés en Algérie, Guyanne, Nouvelle-Calédonie.
Le mouvement des communes avait touché la province, mais en dehors de Lyon et Marseille, les autres communes acceptèrent de négocier avec Adolphe Thiers.
Jules Ferry et Léon Gambetta, tous deux modérés furent contre la Commune.
M. TOURON
La guerre de 1870
16 novembre 1869, inauguration du canal de Suez.
12 janvier 1870 : l'opposition républicaine organise une grande manifestation contre le régime à l'occasion des funérailles de Victor Noir, journaliste tué par Pierre Bonaparte, cousin de l'Empereur,
20 avril : les sénatus-consulte organisent l'Empire libéral en mettant sur pied un régime parlementaire. Le pouvoir confirme ainsi l'évolution amorcée depuis l'entrée en fonction du ministère Emile Ollivier, partisan de réformes politiques et constitutionnelles profondes. L'Empire est plébiscité à près de 70% (8 mai).
Juillet : la France s'oppose à ce que Léopold de Hohenzollern monte sur le trône d'Espagne et obtient gain de cause, mais demande à la Prusse pour l'avenir des garanties sur cette question. La dépêche d'Ems, rédigée par Bismarck, est considérée comme insultante par l'opinion et amène à la déclaration de guerre de la France à la Prusse le 19,
Août : l'armée française subit une série de défaites à Wissembourg, Reichshoffen, Frœschwiller, Forbach (du 4 au 6). Le commandant Bazaine s'enferme dans Metz.
Septembre : l'armée française commandée par Napoléon III et par Mac-Mahon, encerclée dans la cuvette de Sedan depuis la veille, est contrainte à la capitulation le 2. Déchéance de l'Empire et proclamation de la République le 4, instauration d'un gouvernement provisoire à l'hôtel de ville. Les Prussiens mettent le siège devant Paris le 19.
3 Novembre : après la capitulation du commandant Bazaine à Metz le 27 octobre, création du gouvernement de la défense nationale, plébiscité. Ce gouvernement, animé par Gambetta (qui a quitté Paris en ballon le 9 octobre) se replie sur Bordeaux.
28 janvier 1871 : Paris capitule après les victoires et les défaites de l'armée survenues au nord de la Loire (du 9 au 19). Signature d'un armistice.
Février 1871 : les monarchistes, partisans de la paix, remportent les élections à l'Assemblée nationale le 8. Celle-ci se réunit à Bordeaux le 12, nomme à sa tête Jules Grévy et désigne Thiers comme chef de l'exécutif le 17. A Paris, la garde nationale s'oppose à toute idée de paix et publie un manifeste à ce sujet le 15.
Mars 1971 : soulèvement révolutionnaire à Paris : la garde nationale s'empare de l'Hôtel de Ville après avoir fusillé deux généraux, Lecomte et Thomas. L'Assemblée de Bordeaux et Thiers s'installent à Versailles le 20.
Proclamation de la Commune de Paris le 26.
Avril-mai 1971 : la Commune prend un certain nombre de mesures : elle promulgue un décret sur les otages, organise des ministères, publie une déclaration au peuple français (Vallès et Delescluze), se dote d'un Comité de salut public. La capitale est progressivement reprise par les troupes versaillaises à partir du 21 mai. L'assaut du Père-Lachaise scelle l'écrasement de la Commune tandis que le palais des Tuileries est en flammes le 27 mai. Nombreuses exécutions chez les prisonniers ordonnés par le général de Gallifet en juin.
Signature du traité de Francfort entre la France et la Prusse le 10 mai. Le pays est assujetti au paiement d'une indemnité de 5 milliards de francs-or et perd l'Alsace-Lorraine. Le territoire est occupé. Ce traité est ratifié par l'Assemblée nationale le 18 mai.
31 août : L'Assemblée, grossie de 99 républicains à la suite des élections complémentaires du 2 juillet précédent, se déclare constituante. Thiers est élu président de la République, les ministres sont responsables devant l'Assemblée.
9 janvier 1873 : mort de Napoléon III, réfugié en Angleterre.
24 mai 1873 : Thiers renversé par les monarchistes démissionne de la présidence de la République et est remplacé par Mac-Mahon. Le mandat du président est porté à 7 ans par l'Assemblée.
M. TOURON
La Motte-Servolex en 1870
En 1860, La Motte-Servolex voté pour le rattachement à la France. Notre commune a reçu la visite de l'Empereur et a confectionné des « arcs de triomphe et autres embellissements pour fêter dignement leurs majestés ».
En remerciement Napoléon III a offert pour la salle de la Justice de Paix un tableau représentant un Christ en Croix, ensuite installé dans la salle des délibérations du Conseil Municipal et aujourd'hui accroché dans l'escalier d'honneur de la Mairie.
Le premier Maire est Louis Cabeaud, déjà syndic avant l'Annexion. Il prête serment ainsi : « Je jure obéissance à la Constitution et fidélité à l'Empereur ». En 1862, il est remplacé par Jean Valet, nommé maire par décret impérial en date du 11 août, sculpteur à qui l'on doit la statue de la chapelle de la Vierge à l'église Saint-Jean Baptiste de La Motte-Servolex. Il est encore maire en 1870 au moment où la République est proclamée. Il est alors remplacé par Ignace Riguet, qui restera Maire jusqu'en 1874, date à laquelle il sera remplacé par le baron Frédéric du Noyer de Lescheraines, qui a été pendant la guerre le capitaine des motterains rassemblés dans la 5ème compagnie du 1er bataillon des Mobiles de Savoie, et qui a été fait prisonnier à Bethoncourt.
Le secrétaire de mairie est Joseph Lausenaz qui a remplacé le 17 décembre 1869 André Lausenaz, par ailleurs greffier de la Justice de Paix du canton.
Les préoccupations du conseil sont habituelles. Ainsi le 13 février 1870 les dépenses de l'instruction primaire pour 1871 sont votées : 200 francs pour le traitement fixe de l'instituteur. Les cours d'adultes coûteront 50 francs pour les frais de chauffage et d'éclairage. Le conseil doit aussi se préoccuper de la « séquestration gratuite dans un asile » d'un fermier. Il doit rembourser à l'aubergiste Jean Bellemin des rafraîchissements servis aux pompiers et aux soldats. Il fixe la date du 28 février pour le ramonage des cheminées qui a lieu deux fois par an. Il décide de travaux de rectification sur le chemin de Leya ou de l'installation d'une boîte aux lettres au Tremblay. Enfin, il proroge de 4 ans le bail de location de la montagne à la Société de Chasse de St Hubert.
Après Sedan, et la proclamation de la République, le nouveau Conseil Municipal est installé le 6 septembre 1870 « au nom de la République Française ».
Le 9 octobre, le Conseil demande le dépôt des armes détenues sous trois jours, le 21 octobre, compte tenu de l'état des finances de la commune, il décide la suppression du poste de garde-champêtre et de celui de cantonnier !
Dès novembre, alors que d'autres se battent au front, l'ancienne équipe municipale et le nouveau Maire se font un procès.
Plus sérieusement, un emprunt de 18 900 Francs est contracté pour la Garde Nationale Mobilisée. Après la défaite, des élections municipales ont lieu le 30 avril 1871. Ignace Riguet est confirmé comme Maire.
La population de notre commune avoisine les 3 000 habitants répartis sur 24 villages dont le bourg, qui a déjà, depuis les travaux initiés par le syndic Choirat (avant l'annexion) l'aspect que nous lui connaîtront jusqu'aux modifications de la fin du 20ème siècle.
Textes extraits de "Connaissance du canton" - bulletin 44 (2006)
la Garde Mobile de Savoie
La Garde Mobile a été organisée par la loi militaire de 1868, dite loi Niel, du nom du Maréchal Niel.
Ce que dit la loi...
Il s'agit de pouvoir mobiliser en cas de nécessité les jeunes gens qui au tirage au sort n'ont pas été retenus pour constituer l'armée active. Ceux-ci faisaient 7 ans de service, ceux de la Garde Mobile 5 ans. La Garde Mobile est organisée selon les circonscriptions de l'administration civile, et regroupés en unités départementales. Ainsi, « Les Mobiles de Savoie ». Les cadres de la Garde Mobile étaient en général recrutés parmi les notables locaux. Au niveau national cette Garde Mobile constituait une réserve de 600 000 hommes, permettant de doubler les effectifs de l'armée active.
... et la réalité
En fait, au moment où la guerre de 1870¬1871 éclate en juillet la Garde Mobile n'a pas de véritable réalité opérationnelle. Après le désastre de Sedan, la Garde Mobile constitue l'essentiel des forces armées françaises.Le nouveau gouvernement républicain décide de résister et confirme la décision prise en juillet de lever la Garde Mobile.
La Garde Mobile en Savoie
Pour la Savoie, la Garde Mobile est composée de quatre bataillons : deux en Savoie, deux en Haute-Savoie, Chaque bataillon se compose de huit compagnies, rassemblées à Chambéry, Moûtiers, Annecy et Bonneville.
« Les futurs combattants qui, en août, encombraient les rues et des bâtiments de Chambéry destinés à les recevoir, nous apparaissaient en septembre munis de fusils à piston et s'exerçant à l'école de peloton sous les ordres de quelques chefs comme de Montheil, ex-officier de cavalerie, à la tête du contingent d'Aix, de Cordon, ex-zouave pontifical, et de Lassus, fils de l'ex-préfet (...). Le moral était excellent, chefs et hommes se sentant rapidement solidaires en face d'une tâche dont ils mesuraient la grandeur ». (Jacques Lovie)
Le 24 septembre 1870, c'est le départ du 1 er bataillon de Savoie comprenant 1.135 hommes, commandé par Albert Costa de Beauregard secondé par le capitaine de Cordon, chef de la huitième compagnie, et sept autres capitaines : Montheil, de Lassus Saint-Geniès, du Noyer, Puthod, Milan, Sorbon et Mollier.
« Il y eut des larmes et quelques incidents : des excitateurs dirent aux hommes qu'ils partaient à la boucherie avec de mauvais fusils. De Cordon, pris à patie par un garçon mal élevé, l'envoya rouler à terre. Du train s'échappèrent des cris à réveiller la vallée entière et des coups de fusils capables de tuer toutes les poules sur le passage ». (Frédéric Sassone)
« Les savoyards avaient été incorporés dans l'armée française au nombre de 35.000 et les organisateurs et principaux chefs des bataillons de mobiles de Savoie et de Haute-Savoie avaient été d'anciens officiers de l'armée sarde : le général Rolland, les commandants Bastiat.? et Dubois auxquels s'était joint Albert Costa de Beauregard. Avec ce descendant d'une des familles autrefois les plus intimement attachées à la Maison de Savoie, tout le passé savoyard, en quelque sorte, était venu se ranger sous le drapeau français en péril ». (Henri Ménabréa.- Histoire de la Savoie.-Editions du centenaire, Dardel, 1958)
Dès avant la défaite de Sedan, et sur fond de débat entre républicains et bonapartistes, les rues de Chambéry sont « encombrées » nous dit Jacques Lovie « de mobiles en instance d'incorporation, recrues le plus souvent paysannes venues se ranger docilement sous les ordres des officiers désignés parmi les notables ».
Le 2 septembre c'est la défaite de Sedan, et le 4 septembre Gambetta informe le Préfet de la déchéance de la Chambre et la proclamation de la République.
Les mobiles « d'abord couchés sur des paillasses sans couvertures, abominablement mal nourris, (...) munis d'uniformes qu'au bout d'un long délai » (Sassone) étaient prêts à intervenir dès octobre 1870 sur les champs de bataille de l'Orléanais, puis en janvier 1871, dans l'Est.
La composition complète du 1er bataillon, présentée par compagnie
- La 1ère compagnie est constituée par le contingent d'Aix les Bains.
- La 2ème compagnie est composée des mobiles de Ruffieux et d'Albens.
- La 3ème compagnie est recrutée dans les cantons de La Motte-Servolex (bien plus étendu qu'aujourd'hui) et de Chambéry-Nord. Son capitaine est le motterain Frédéric Favier du Noyer de Lescheraines.
- La 4ème compagnie vient du canton de Chambéry-sud et de Montmélian.
- La 5ème compagnie, commandée par le capitaine Milan qui sera tué à Bethoncourt, vient de La Rochette et ses alentours.
- La 6ème compagnie venait de Saint-Pierre d'Albigny et du Chatelard.
- La 7ème compagnie venait des Echelles et du Pont de Beauvoisin.
- La 8ème compagnie a pour capitaine le comte Joseph de Cordon, ancien zouave pontifical. De lui, Albert Costa de Beauregard écrit : « En 1870, on n'eût pas cherché le comte de Cordon ailleurs que devant l'ennemi ». Il est touché par une balle à Bethoncourt. EUE est recrutée dans les cantons d'Yenne el de Saint-Genix.
Textes extraits de "Connaissance du canton" - bulletin 44 (2006)
La bataille de la Lizaine: 1er Bataillon des Mobiles Savoyards
Elle s'est déroulée le long de cette rivière du Doubs, les 14, 15 et 16 janvier 1871, de la commune de Frahier à celle de Montbéliard.
Au cours de cette bataille, les savoyards du 1er bataillon de Mobiles sont engagés à Bethoncourt sous le commandement du Motterain Albert Costa de Beauregard.
Les conditions vues par le général Bourbaki
Les chemins sont couverts de verglas ; les charrois de l'artillerie et de l'administration présentent pour être exécutés, les plus grandes difficultés.
Mes opérations se trouvent contrariées à chaque instant par la difficulté d'assurer la subsistance des troupes en raison de l'éloignement des voies ferrées, du verglas, de la raideur des pentes à gravir et à descendre, de l'insuffisance numérique de nos moyens de transport. Il est impossible de se trouver dans de plus mauvaises conditions que celles qui nous sont faites d'une façon si continue par la rigueur de la saison.
A l'heure de la bataille
...tandis que sur la rive gauche de la Lizaine, les allemands, utilisant fermes et villages,cantonnaient tout leur monde, ne laissant au bivouac que la quantité d'hommes strictement nécessaire au service de sûreté, de l'autre côté les malheureux soldats français, à peine garantis par une mauvaise petite pente dont ils dédaignaient même l'insuffisant abri, passaient au bivouac une nuit glaciale, sur un sol couvert de prés d'un mètre de neige, et, mal couverts, mal vêtus, plus mal nourris, restaient exposés à toutes les rigueurs d'une température descendue à 19 degrés au-dessous de zéro l Le 15 au matin, nombre d'hommes devaient être évacués par suite de congélation ; la masse elle-même, si dévouée qu'elle fut, se ressentait cruellement de ces épouvantables souffrances, et l'armée toute entière subissait une dépression à la fois physique et morale, peu faite pour la préparer aux épreuves qu'il lui restait encore à affronter.
(relation de L. Rousset, Histoire Populaire)
Les forces allemandes
47 bataillons, 28 escadrons et 22 batteries de campagne, soit environ 52 000 hommes et 132 pièces plus 34 pièces de position.
Les forces françaises
3 corps d'armée et la réserve soit 95 000 hommes, 240 bouches à feu.
La bataille vue par Charles-Albert Costa de Beauregard
... Nous venons de passer la nuit sous un feu ininterrompu d'obus, lorsque le 16 janvier, vers midi, le général Minot nous donna l'ordre de prendre position à la lisière d'un petit bois en face de Bethoncourt.
Nos hommes épuisés par tant de souffrances étaient quand même à l'heure dite rangés en bataille, sur la position qui nous était assignée. Tout était blanc de neige et morne à serrer le cœur.
Le clairon sonna. Tout alla bien pendant quelques minutes. Nous avancions à travers cette plaine blanche qui avait plus de 800 mètres de long, sans tirer un coup de fusil. Devant nous le village semblait toujours abandonné. Sur notre droite, à moitié chemin, il y avait un cimetière entouré de grandes murailles.
Voilà qu'arrivés à la hauteur de ce cimetière, nous avons tout à coup été pris en écharpe par un feu épouvantable, en même temps toutes les maisons en face, du toit jusqu'au rez de chaussée, se couvrirent de feu. Plus de soixante hommes de chez nous et des chasseurs qui nous flanquaient tombèrent à cette première décharge. Nos compagnies de soutien accoururent, mais ne firent qu'ajouter leurs morts aux nôtres. Ils jonchaient le sol comme les brindilles de bois après la grêle. On dit que le général fit sonner la retraite. Personne chez nous ne l'entendit. Les Savoyards continuèrent à avancer. A peine tiraient-ils, çà et là, un coup de fusil, ils n'avaient toujours devant eux que des maisons crénelées. (...) Deux cent cinquante hommes étaient dans la neige, dont soixante-dix morts.
Ma triste campagne finit bien tristement. Il faut accepter cette dernière souffrance en expiation d'une vie trop heureuse jusqu'ici. L'inquiétude sur le sort de mon bataillon, l'humiliation d'avoir été pris me rendent bien malheureux. Je suis tombé blessé au pied et n'ai pu me relever Ah mes pauvres chers soldats 1 Il y en avait un qui râlait à côté de moi et me disait : « Je suis heureux, commandant d'être plus blessé que vous ». Une seconde balle l'a achevé.
Voici à peu près l'histoire de cette malheureuse affaire.
Nous nous étions battus l'avant-veille à Arcey, mais sans être engagés de façon dangereuse. Le lendemain nous avions passé la journée et la nuit sous le feu de l'artillerie. Les obus nous pleuvaient sur la tête. Jusqu'à deux heures, nous sommes restés immobiles entendant la plus enragée musique du monde. On se fait à cela ; mes hommes ne bougeaient pas, causaient, riaient bravement.
A deux heures, le général M... nous fait mettre en bataille à la lisière d'un bois, avec l'ordre de partir à l'assaut du village que nous avions devant nous. Nous en étions séparés par une plaine d'environ huit cent mètres, nue comme la main et couverte de neige. A droite se tenait un cimetière ; puis, toujours à droite, à quatre cents mètres plus loin, deux maisons, plus loin encore, une grande fabrique ; tout cela avait l'air le plus innocent du monde.
On avait, pour déblayer la route, envoyé quelques obus sur le village ; le village ava it riposté, puis tout était rentré dans le silence. L'attaque semblait en somme devoir être peu de chose, quand l'ordre nous est venu de marcher. Mais, comme nous sortions du bois, l'ennemi a ouvert sur nous un feu d'enfer. Parvenus à la hauteur des maisons, nous avons été-pris en flanc par la fusillade qui nous a accompagnés jusqu'à cent mètres du village. De toutes parts nous étions enveloppés de feu ; le général a perdu la tête. Au lieu de nous soutenir, il nous a abandonnés. Je suis tombé un des derniers. La plaine était jonchée de pauvres-gens inutilement sacrifiés. On a tenté je crois, de faire une diversion sur la gauche, puis la fusillade s'est éloignée ; les prussiens en ont profité pour ramasser les blessés. En arrivant à l'ambulance, j'ai béni Dieu que le général n'eût pas engagé toute la colonne ; le village ressemblait à une place forte. Nous aurions péri jusqu'au dernier sans pouvoir y pénétrer.
(Lettre à son épouse)
Textes extraits de "Connaissance du canton" - bulletin 44 (2006)
