34 personnes étaient au rendez-vous pour la visite du Faubourg Montmélian, malgré la chaleur étouffante de ce jour de juin. Monique Dacquin nous présente ce faubourg, le plus vaste et du mieux conservé de la ville. Il est le seul faubourg plat, et se développe parce qu’il possède beaucoup d’eau : l’Albanne, qui passe sous la rue de la Banque, le Ru d’Enfer, sous la rue du Laurier, et la Leysse. Trois étapes marquent son développement : jusqu’à la Renaissance, de la Place du Théâtre à la Place d’Italie, aux 17e et 18e siècles, jusqu’au couvent des Carmes (MJC), et au 19e, jusqu’à Buisson Rond. Il se déploie surtout parce qu’il est la route de l’Italie. Il est une étape sur la route du Mont-Cenis ou de Lyon, fourmille d’auberges, accueille les attelages des voyageurs ordinaires comme ceux des princes.
Sa décroissance correspond à l’arrivée du chemin de fer ; les auberges se déportent vers la gare. Le percement de la rue de la Banque et de la Place d’Italie en 1862, ordonné par Napoléon III pour désenclaver les casernes, est aussi un facteur d’abandon du trafic sur le faubourg. Puis les biens religieux vont être confisqués après la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Le faubourg se reconvertit en offrant de nombreux commerces. Sa vitalité s’éteint avec l’ouverture du centre commercial Bassens. Il n’a jamais non plus fait partie du Secteur Sauvegardé de Chambéry, ce qui explique aussi que sa conservation n’ait pas été privilégiée.
Ensuite, Monique Dacquin nous parle des lieux qui caractérisent ce faubourg.
La Maison des Associations, au sommet de la Place d’Italie, était à l’origine un hôpital, construit en 1867, qui devait accueillir des contagieux et une maternité pour femmes pauvres. Il n’a jamais fonctionné parce qu’il n’y avait pas d’argent. Racheté par la ville en 1912, il devient une école professionnelle en 1922, qui hébergera les cours Abrioud. Depuis 1993, il a changé de destination pour devenir la Maison des Associations. Près de cette maison, dans un square, s’élève une magnifique rotonde aux mosaïques dorées avec l’inscription « Imprimerie Chambérienne ». Elle était auparavant érigée à l’angle des rues Saint-François et Victor Hugo, et à l’origine, devait être l’entrée d’un cinéma qui n’a jamais vu le jour. Elle avait été reprise par un imprimeur. Elle a été déplacée en 1990 à cause de la destruction des immeubles qu’elle bordait, sans que le verre de champagne déposé à l’intérieur se renverse.
La rue du Laurier a recouvert le Ru d’Enfer en 1872. La Maison Saint-Benoît, qui en est un lieu emblématique, a été construite au Moyen Age. Elle s’appelait l’Hospice Saint-Laurent. En 1620, six Augustins s’y installent, sous condition de ne pas faire l’aumône. La révolution voit la ville en devenir propriétaire. Puis le Général de Boigne l’échange avec le Couvent des Dominicains (halles actuelles) pour en faire une maison de retraite pour gens riches. La famille de Boigne en est toujours administratrice. De la chapelle il ne reste que la façade donnant sur la rue du Laurier. Puis la visite se poursuit dans un immeuble à l’angle de la rue de la Banque et du Faubourg, ancien couvent des Carmélites depuis 1634, érigé sur un terrain d’un hectare. Elles ont fui ce lieu à la révolution, reviennent ensuite en 1824 dans le couvent des Chartreux (ancien archevêché). Puis le lieu étant trop petit, elles s’en vont à Lémenc en 1832. Aujourd’hui, un magnifique escalier en pierre conduit à des balcons qui bordent une cour intérieure. Deux gigantesques têtes sculptées de l’ancienne église ont été intégrées dans la façade intérieure, sans qu’elles puissent être identifiées.
Au 31 faubourg Montmélian, un oratoire de 1504 célèbre Saint-Antoine de Padoue, protecteur du quartier. La famille princière voulait que le Faubourg Montmélian, le plus fréquenté de la ville, donne une belle image. De nombreux trompe-l’œil colorés recouvraient les façades. Aux numéros 72-74 du faubourg Montmélian est érigé l’ancien hôtel de Comnène. Cette branche descendait de l’empereur de Constantinople et des rois de Trébizonde. Elle s’était établie au 17è siècle dans le faubourg. Dans son blason figurait le Laurier, devenu son emblème. Le dernier des Comnène, Joseph-Nicolas, meurt sans descendance en 1805. Vers 1840, l’Eglise, à laquelle il avait légué ses biens, met en vente l’auberge. Elle hébergera à partir de 1862 la Teinturerie Gonay, qui émigrera à La Cassine en 1922.
Les Annonciades possédaient aussi leur couvent (emplacement collège Jules Ferry). Elles étaient propriétaire d’une auberge au n° 150. Des gérants l’exploitaient. Une grande entrée mène dans la cour, surplombée par des balcons. Les chambres étaient à plusieurs lits, femmes et hommes mêlés, des toilettes communes, pas de clés, pas de lumière. A la Révolution, les bâtiments sont confisqués. Ils accueillent d’abord une artillerie, puis un dépôt de mendicité, dont les conditions étaient plus que misérables. Le Général De Boigne créera un dépôt de mendicité privé, la Maison Sainte-Hélène, qui était à l’emplacement de la MJC. Il offrait du travail aux personnes qu’il accueillait. Il a fonctionné jusqu’en 1932.
A gauche, presque au bout du faubourg Montmélian ancien, l’hospice des Chartreux, construit à la fin du 17è siècle, héberge les religieux de passage et est ouvert aux pauvres. En 1824, les Carmélites en deviennent propriétaires. Puis l’archevêque, expulsé de son palais en 1905, l’occupe. Le bâtiment a été démoli en 1975. Le dernier hôtel à être construit en 1845 est l’hôtel Vicher, au n° 265. Il ne fonctionnera pas et son propriétaire diversifiera son commerce par la vente de matériaux. Il sera vendu aux enchères en 1885. Le Général de Boigne va aider les Capucins à venir s’installer dans le faubourg et quitter Cognin. Ils bâtissent leur couvent sur les ruines de celui des Annonciades. C’est le bel édifice à galeries de l’école Jules Ferry. En 1908, il est transformé en école supérieure de jeunes filles. Et dès septembre 1914, ses 302 lits en feront un des plus importants hôpitaux de Chambéry pour les blessés du front.
Les Capucins, de nouveau acceptés dans le faubourg, construisent une église du Sacré-Cœur en 1932-33. Trop petite, le Père Eugène décide de construire une nouvelle église circulaire, sur les plans de Pierre Jomain. Tous les matériaux de l’ancienne église sont récupérés. Compagnons d’Emmaüs et bénévoles élèvent ce nouvel édifice. L’exécution des vitraux est confiée en 1964 à Arcabas. Ils représentent les trois visages de la Trinité et la création avec le soleil, la lune et les quatre éléments (l'air, l'eau, la terre et le feu).








