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Nov
Salle Saint-Jean
Date : 12 Novembre 2025, 19:00

Le thème de la soirée a intéressé un grand nombre de personnes, puisqu’on en a dénombré près d’une centaine. Toute l’assemblée semblait avoir retrouvé une partie des souvenirs rattachés au personnage, car le tourne-disque Teppaz aura marqué leur jeunesse. L’objet était bien connu de tous, mais son concepteur beaucoup moins, voire pas du tout. Il a été rappelé que ses sources familiales étaient d'origine savoyarde, tant du côté paternel (Cognin) que maternel (Domessin). Dans un premier temps, l’occasion a été saisie d’aborder les origines patronymiques du nom, qui relève d’un nom de lieu, un toponyme. Ce nom désigne en patois savoyard (ou franco-provençal) une zone herbeuse en friche de peu de valeur, une « teppe ». La vie de Marcel Teppaz nous démontrera le contraire de la signification de son nom.

Teppaz, comme beaucoup d’autres noms en Savoie, se termine par « az ». Dans ce cas précis, toutes les lettres se prononcent, alors qu’il devrait en être autrement. Une explication des noms en « az » a été donnée. Le « z » indique que la voyelle « a » qui précède doit être atténuée et par principe, le « z » ne se prononce pas. Mais à force de l’écrire, on a pris l’habitude de le prononcer, car l’antériorité de l’orthographe et de la prononciation a été oubliée. Souvenons-nous que des noms très employés sur la commune de La Motte-Servolex, par exemple, Arbaretaz, Baboulaz, ou Genoulaz, étaient prononcés sans le « az » final. Idem pour les lieux comme Drumettaz ou La Féclaz. Au pire, on prononçait le « a » comme Chanaz, ou Sonnaz.

Marcel Teppaz est né à Serrières-de-Briord, où son père, Jean-Pierre, exerçait le métier de gareur sur machines à filer. Ses parents étaient donc dans le secteur des tulles et des soieries. À sa naissance, en 1908, ils travaillaient tous deux dans l'usine Boucharlat, implantée dans ce village de l'Ain. Son père était à la tête d’une petite entreprise. Très demandé dans les différentes usines de ce métier, il s'installa à la Croix-Rousse, dans la région lyonnaise, pour régler, entretenir et améliorer les métiers à tisser.

Après avoir passé deux ans dans le Piémont italien pour installer une nouvelle usine de métiers à tisser en remplacement de son père, Marcel Teppaz est rentré à Lyon en 1928 avec un projet d'avenir bien différent de celui de son père, qui comptait sur lui pour le seconder et perpétuer l'entreprise. Il était en effet très attiré par la vente et le monde de la radiophonie, qui se développait alors fortement. Il commença comme vendeur chez Ariane, une entreprise lyonnaise qui assemblait des postes de radio. Il était tellement performant que ses compagnons d’entreprise le surnommait « le lion de Lyon »

En 1931, voyant qu'il était parfaitement capable de progresser, il créa, à l'âge de 23 ans, sa propre entreprise d'assemblage de matériel radio et d'amplificateurs, avec trois salariés, dans le 2e arrondissement, rue Jarente. L’entreprise prospéra jusqu’en septembre 1939, date à laquelle il fut mobilisé pour la Seconde Guerre mondiale. Démobilisé en 1940, il reprend son activité, mais il n'est pas question de rester dans l'assemblage de postes de radio pour des raisons de sécurité : l'armée allemande veille. Il faut donc inventer une autre activité. Pour ce faire, il installe un moteur électrique sur un phonographe 78 tours, qu'il branche sur les haut-parleurs d'une radio : le premier électrophone est né. Il développe ce monopole qui fera fureur à la sortie de la guerre, en 1945.

En 1947, face au succès commercial, son activité explose littéralement. Il déménage alors dans un local beaucoup plus grand, rue Plessier, avec 30 salariés. De très nombreuses innovations voient le jour au sein de l’entreprise, car il invente le concept du tourne-disque en incorporant l’ensemble des composants dans une petite valise dont les haut-parleurs sont intégrés au couvercle. Ce sera révolutionnaire, car cet objet, qui était bien souvent un gros meuble statique, deviendra mobile. Il pouvait ainsi voyager dans les caves et autres pièces où la jeunesse de l'époque aimait se réunir pour faire la fête, lors de surprises-parties.

En 1955, son modèle « Présence » est produit à 500 000 exemplaires. En 1957, 50 % de son chiffre d’affaires est réalisé à l’exportation, ce qui lui permettra de recevoir le premier prix de l’exportation des mains de Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre de l’Économie et des Finances, en 1962. Cette distinction sera renouvelée en 1965. Il créera de très nombreux modèles qu’il vendra dans le monde entier. Toute les pièces (environ 450) étaient produites dans l’entreprise. Ces modèles seront produits a des millions d’exemplaires. Philips, son principal concurrent, disait de lui :  « Teppaz est un nain mais un nain dangereux »

Mais malheureusement, Marcel Teppaz décédera le samedi 15 août 1964, après une partie de pêche sur le lac d’Aiguebelette car il affectionnait la Savoie et le pays natal de sa mère. Il mourra dans la nuit. Son épouse, qui n’avait que très peu de compétences en matière de gestion d’entreprise, et son gendre continueront tant bien que mal de diriger l’entreprise. De nouveaux modèles sortiront, mais les événements de 1968 aggraveront une situation déjà fragile ; l’exportation, qui était un point fort, sera durement touchée ; les banques, qui avaient pris des participations, imposeront des contraintes et des licenciements. En 1971, le dépôt de bilan est prononcé, puis la liquidation est prononcée en 1978. Par la suite, la marque Teppaz a été rachetée, mais elle est tombée dans l’oubli et il y a très peu de chances qu'elle renaisse.

Marcel Teppaz fut un « self-made man » révolutionnaire qui inventa l’électrophone, « le tourne-disque », qui tenait dans une petite valise en carton. Toute la jeunesse d'après-guerre a connu ou a possédé cet objet qui a fait voyager la musique dans le monde entier. Il a fait danser des générations entières, dans les salons comme dans les caves. C'était l'époque du microsillon 45 tours, sur lequel la « jeunesse yéyé » écoutait Johnny Hallyday, Claude François, Dalida, mais aussi les Beatles et bien d’autres. Marcel Teppaz a créé une entreprise qui a été un phare de l’industrie lyonnaise des Trente Glorieuses et fut reconnu comme un grand exportateur français. Cherchez au fond de votre placard ou du grenier car  beaucoup d'entre vous ont peut-être encore cet objet mythique.

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